LA SITUATION SUR L’HYDROXYCHLOROQUINE
Je fais cet article suite à l’intervention très médiatisée du Professeur Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection de Marseille. Cet infectiologue, reconnu, affirme que les propriétés de la molécule d’hydroxychloroquine sont efficaces contre le Covid19.
« Chez 80 patients hospitalisés recevant une combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine, nous avons constaté une amélioration clinique chez tous les patients, sauf un décédé, âgé de 86 ans, et un autre, âgé de 74 ans, toujours en unité de soins intensifs ».
« Il met également en avant une chute de la charge virale avec 83% négatifs au 7e jour, et 93% au 8e jour. Les patients sont âgés de 18 à 88 ans : 54% présentaient les premiers symptômes du Covid-19 : mal de gorge, nez qui coule, toux. 41% étaient plus atteints, souffrant de bronchites ou pneumonies ».
« L’objectif thérapeutique premier est donc de traiter les personnes qui présentent des infections modérées ou graves à un stade suffisamment précoce pour éviter la progression vers un état grave et irréversible ».
LES ÉTUDES « RAOULT«
Pour vous faire comprendre pourquoi les scientifiques sont réticents, les études du Professeur Raoult sont non seulement qualifiées de « light », mais surtout elles rapportent essentiellement des éléments In vitro (au sein des cellules) et pas assez In vivo (sur nous les humains).
Le caractère aléatoire des effets in vivo n’est pas supportable pour bon nombre de scientifiques alors que Raoult a, selon son expérience, le sentiment inverse qu’in vivo, il y aura plus d’avantages que d’inconvénients dans l’utilisation de l’hydroxychloroquine. Il est dans l’empirisme.
Il a ainsi un problème de méthode. Et la méthode pour prouver quelque chose, c’est essentiel.
Un patient qui fait son propre prélèvement covid, est-ce que cela est scientifique ? Est-ce qu’un patient va correctement faire son prélèvement quand on voit jusqu’où doit aller l’écouvillon ? Où va-t-il faire ce prélèvement ? Comment va-t-il le faire ? Il est très difficile de faire le test soi-même et de plus, ce test dit « PCR » n’est pas totalement fiable. Il y a des faux positifs mais les faux négatifs existent aussi car le virus est bien présent mais il peut ne pas être en quantité suffisante ou encore avoir migré vers les poumons.
Autre point : les essais sont faits sur des groupes de patients qui savent dans quel groupe ils se trouvent. Groupe thérapeutique (reçoit le médicament) ou de contrôle (ne reçoit pas le médicament). Les médecins aussi connaissent les groupes. Les essais ne sont pas faits en double aveugle.
Les patients ne sont pas inclus dans les groupes de façon aléatoire mais sélectionnés par les chercheurs. Les essais ne sont donc pas randomisés.
20 personnes seulement ont reçu le traitement : 14 avec l’hydrochloroxydine et 6 personnes avec en plus l’antibiotique de la famille des macrolides azithromicine.
6 patients ont arrêté précocement leur traitement. 3 ont dû être transférés en soins intensifs, un a quitté l’hôpital parce qu’il était testé négatif, un autre a dû interrompre le traitement pour cause d’effets secondaires et enfin un patient est décédé. Pourquoi ces cas ne sont pas considérés comme des échecs et inclus comme tels dans l’étude et ses chiffres ?
Voilà quelques points simples entre autres qui rendent l’étude peu fiable, ils induisent des biais.
UN ESPOIR FRAGILE
Dans la communauté médicale l’affirmation du Professeur est devenue le sujet de la discorde dans la presse spécialisée ou non.
Les scientifiques demandent des faits documentés quand les citoyens demandent à ne pas être malades.
Dans ce contexte, comment s’y retrouver ? Certains disent n’importe quoi mais comment le comprendre quand on n’est pas un scientifique ou un professionnel de santé ?
Petit rappel
l’ensemble de la communauté scientifique s’accorde sur un faible taux de mortalité lorsque l’on est atteint du virus Covid19. Ce taux se trouve vraissemblablement selon les sources à 4 ou 5% de la population. Ainsi, pour les personnes touchées présentant des symptômes forts allant jusqu’à la réanimation, oui le risque de décès sera très élevé. Et c’est bien là l’enjeu de ce que nous vivons : pouvoir prendre en charge chaque personne en urgence vitale.
Je vous rappelle aussi que le taux de contagiosité du virus est plus élevé que celui de la grippe, une personne touchée contaminerait 2.5 personnes et il y a en plus des super contaminateurs qui contamineraient encore plus de personnes on parle jusqu’à 10 personnes voire davantage. Le phénomène n’est pas bien connu.
Le virus se propage d’homme à homme par micro-gouttelettes pour toucher les poumons dans sa migration dans le corps. Sa virulence est reconnue comme élevée et sa charge virale serai aussi importante chez les porteurs qui peuvent être asymptomatiques.
Du coup, le reste de la population aura au mieux aucun symptômes voire des symptômes légers (86%).
Et les 10% restants auront des symptômes forts n’entrainant pas de réanimation.
Au final 96% de la population touchée va s’en sortir et sera même immunisée selon Tomas Pueyo, John Hsu, WHO, Eurosurveillance, ECDC, The Lancet, Impact of non-pharmaceutical intervention to reduce COVID19 mortality. Certains ayant participé à l’élaboration de ces chiffres sont parfois remis en cause mais il faut bien partir de quelque chose. Les chiffres qui y sont avancés sont en revanche acceptés par la très sérieuse revue médicale the lancet ou encore l’organisation mondiale de la santé (WHO) et c’est pour cela que je voulais vous les soumettre.
ATTENTION !
1) Certains parlent de chloroquine alors que la molécule en question estl’hydroxychloroquine.
2) Les noms commerciaux sont respectivement la NIVAQUINE et le PLAQUENIL. Les structures chimiques sont proches mais différentes. Le premier est utilisé dans la prévention contre le paludisme et l’autre, essentiellement dans le traitement des maladies rhumatismales.
3) Les posologies sont différentes : 100 mg/j pour la NIVAQUINE, elle est mortelle à des des doses de 30 mg/kg (environ 2g pour un adulte, on l’utilise aussi pour décontaminer les aquariums) et pour le PLAQUENIL, on parle de 600 mg/j dans le cadre du Covid19 comme dose efficace. La molécule présente un peu moins de risques mais certains intervenants médiatisés voire certains médecins confondent les deux dans leurs interviews et du coup génèrent de la confusion chez les français-e-s.
4) L’hydroxychloroquine est autorisée en France dans les cas compassionnels et pour les études menées en accéléré (version simplifiée) dans le contexte actuel.
LE MÉDECIN PEUT-IL PRESCRIRE ?
Le médecin est libre de sa prescription, il peut donc prescrire ce qu’il souhaite dans l’intérêt du patient.
Le médicament avant d’arriver sur le marcher devra subir une batterie d’études qui peuvent parfois durer jusqu’à 10 ans et même plus. Après validation auprès des autorités compétentes, la laboratoire obtient son Autorisation de Mise sur le Marcher. Nous parlons d’AMM.
Le PLAQUENIL dispose évidemment d’une AMM pour être commercialisé en France, la boite de 30 comprimés coûte 4.17€ et est remboursée à 65% par la sécurité sociale. Il appartient à la famille des antirhumatismaux.
Son indication est claire : polyarthrite rhumatoïde, les maladies du collagène (lupus érythémateux) et dans la prévention des lucites.
Actuellement vous pouvez voir les études lancées en Europe et dans le monde sur le site www.eurekasante.vidal.fr
Dans ce cadre légal de prescrire selon l’AMM et la liberté de prescrire, le patient doit recevoir une information médicale. Prescrire PLAQUENIL contre le virus Covid19 se trouve être hors AMM donc le médecin engage sa responsabilité professionnelle.
Modalités de prescription et de dispensation de PLAQUENIL
Liste II (depuis l’arrêté du 13 janvier 2020, en effet jusque là, la molécule était en vente libre) Prescription initiale émanant des rhumatologues, internistes, dermatologues, néphrologues, neurologues et pédiatres (institué par le décret du 25 mars 2020 |
LE PHARMACIEN PEUT-IL DÉLIVRER ?
Une fois la prescription en main, le pharmacien, soit il délivre sans se poser de questions et considère que la délivrance se fait dans le cadre de l’AMM et donc facture la délivrance à la CPAM, soit il est déontologique et se pose la question de délivrer ou pas.
LE PHARMACIEN DÉLIVRE
Dès lors que la délivrance ne respecte pas l’AMM, la CPAM ne rembourse pas le médicament. Le patient doit payer le médicament. Le pharmacien engage comme le prescripteur sa responsabilité professionnelle encore plus s’il facture le produit à la CPAM. Il ne respecte pas le code de la sécurité sociale ni même le code de santé publique. C’est grave aux yeux de la loi mais aussi c’est une entorse au principe d’égalité puisque seulement quelques citoyens bénéficieront de ce privilège pseudo thérapeutique.
Ensuite, il participe à diminuer le stock de médicaments pour les malades qui le prennent de façon chronique dans le cadre de l’AMM. Les associations des malades chroniques s’inquiètent énormément au sujet de la disponibilité de leur traitement à juste raison.
Alors est-ce que les malades de polyarthrite rhumatoïde sont moins importants que les malades atteints du Covid19 ?
LE PHARMACIEN NE DÉLIVRE PAS
C’est une question de déontologie pour le pharmacien, patron d’officine et d’éthique pour le professionnel de santé qu’il est.
Le refus de délivrance dans l’intérêt du patient est prévu par le code de santé publique, il s’agit de l’art 4235-61 du CSP :
« Lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement le prescripteur de son refus et le mentionner sur l’ordonnance »
La loi qui encadre son exercice pharmaceutique est respectée et au vu des risques encourus pour le patient, le pharmacien mesure la balance avantages/inconvénients de l’hydoxychloroquine en rapport avec l’atteinte au Covid19. L’état actuel de nos connaissances ne nous permet pas d’affirmer que ce médicament puisse lutter contre le virus Covid19.
Le décret du 25 mars 2020 prévoit une restriction de la dispensation :
– seules les prescriptions initiales émanant des rhumatologues, internistes, dermatologues, néphrologues, neurologues et pédiatres et les renouvellements d’ordonnance émanant de tout médecin peuvent donner lieu à une dispensation
– les prescriptions initiales de PLAQUENIL établies par un médecin généraliste ou par un médecin exerçant une autre spécialité que celles précitées ne peuvent pas être honorées
– ces mêmes modalités de prescription et de dispensation sont applicables pour les préparations magistrales contenant de l’hydroxychloroquine.
LES EFFETS SECONDAIRES DU PLAQUENIL
En plus d’une allergie éventuelle à la molécule, ce médicament peut être toxique pour la rétine donc des problèmes de vision nécessitant une surveillance ophtalmologique et entrainer un changement de la formule sanguine.
Ce médicament passe aussi dans le lait maternel.
Ce médicament entraine des effets secondaires connus sur le cœur qui nécessitent comme en ophtalmologie une surveillance cardiaque. Un contrôle de l’électrocardiogramme est nécessaire avant l’instauration du traitement. Des cas de toxicité ont été rapportés sur des personnes Covid+ qui s’étaient automédiquées avec l’hydroxychloroquine. Certaines sont actuellement en réanimation pour mauvaise utilisation des médicaments voire décédées. A noter que l’association avec l’azithromicine augmente les troubles cardiaques.
Vous le comprendrez une analyse fine des risques d’interactions est nécessaire avec les autres traitements comme MOTILIUM, PROZAC, SEROPLEX, SEROPRAM, LAROXYL, ATARAX, THERALENE, CETIRIZINE, LORATADINE …
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Nous voudrions tous que l’affirmation du Professeur Raoult soit vraie, nous voulons tous nous raccrocher à ce qu’il y a de plus facile dans cet environnement tellement anxiogène.
Entendre la guérison miracle par M. Estrosi ou sa femme, entendre un éminent Professeur vanter sa trouvaille, entendre des hommes ou des femmes politiques prendre partie pour cette option, bien sûr que nous voulons faire confiance et cédons à la tentation de la facilité : croire en ce sauveur vivant qui dit ce que l’on veut tous entendre.
Finalement nous vivons la grande victoire de la science sur la politique mais où les scientifiques eux-mêmes sont dépassés.