LES FRAUDES DÉTECTÉES, MIEUX VAUT TARD QUE JAMAIS.
Vous l’avez certainement vu ces derniers temps, the spot, le spot publicitaire du médecin. Une minute trente six pour valoriser l’image du médecin. C’est bien, c’est beau, c’est la vie mais soyons clair, ce médecin n’existe pas. Une certaine idée de la pratique sans pouvoir l’atteindre.
Les dix premières secondes tout le monde sera d’accord, « le souci de rétablir, préserver ou promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux ». C’est le minimum pour un médecin.
Ensuite et tout au long du film, il y a une liste de vœux intéressants comme par exemple faire avancer le système de santé mais là visiblement il y a des divergences car, si j’en crois l’actualité médicale, le tiers payant n’est pas considéré comme une avancée car refusé.
D’ailleurs le lien entre ce refus du tiers payant et ce que l’on entend au milieu du spot est intéressant. Le meilleur du spot même, on dit bien que dans la gêne il n’y a pas de plaisir, je ne pouvais pas ne pas commenter. C’est à la 48ème seconde « je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire ».
La recherche de la gloire ? D’accord je veux bien croire que la majorité des médecins notamment généralistes, ceux que l’on fréquente le plus souvent, ne recherche pas la gloire, ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel, chacun le croira nous le savons tous, c’est la satisfaction de guérir les gens. En revanche, la soif du gain, là ma position est bien différente et comment leur en vouloir dans un monde où l’argent fait loi.
D’abord je m’appuie sur ma propre expérience, aussi sur ce que me disent certains patients et enfin sur le nouveau record de fraudes à l’assurance maladie.
10-15 minutes c’est la moyenne du temps passé par consultation et ce pour 23 euros et un salaire moyen de 5700 Euros par mois selon l’Inspection Générale des finances, bien plus pour un spécialiste. Même si les médecins se plaignent comme toutes les catégories de la population de toutes façons, ce n’est pas si mal payé, cela risque même de passer à 25 Euros prochainement. Un pharmacien adjoint est largement moins bien payé pour 6 ans d’études et vous les avez déjà entendus se plaindre ? Pas de RTT, pas de prime, pas de comité d’entreprise, etc … Ah si, j’oubliais, où ai-je la tête, le pot de crème ou le mini spray d’eau apaisante offerts par un laboratoire par-ci par-là, c’est vrai, je l’avoue, quel sacré avantage !
Les professionnels, les premiers fraudeurs
Des médecins qui aiment l’argent ? Certains ne sont pas dans cette logique il faut quand même le dire, mais quand l’assurance maladie publie des chiffres de fraudes en nette augmentation, les citoyens que nous sommes, sommes en droit de nous poser des questions. Près de 200 millions de fraude, les professionnels de santé premiers responsables.
Étonnés ? Moi non.
Le gentil médecin, le gentil pharmacien, la gentille infirmière, le gentil kiné, le gentil dentiste sans oublier l’ambulancier, ils sont tous gentils et pourtant ils fraudent. Pour les syndicats ce ne sont que des erreurs de facturation et non de fraudes. Les œillères des syndicats sont très difficile à déplacer mais il en faut bien … des syndicats je parle ! Ce serait une affaire de sémantique en quelque sorte. Heureusement que ces erreurs sont détectées. Tous ces professionnels ont sous leurs yeux un énorme saladier de billets d’Euros alimenté par les cotisations sociales et chacun se sert. Forcément c’est tentant. Notre système est basé sur la confiance et cela ne va pas de pair avec le capitalisme. Je le répète souvent dans ce blog. Sur l’île de France, combien d’inspecteurs sont accrédités aux contrôles des médecins, spécialistes, pharmaciens, laboratoires d’analyses, infirmières, kinésithérapeutes, ambulanciers, etc… ? Une dizaine peut-être pour faire un travail gigantesque.
Mieux vaut tard que jamais, depuis quelques années, timidement, en 2014, les contrôles contre la fraude sociale se sont renforcés et ont rapporté 17 % de plus qu’en 2013. Dans le domaine de la santé, c’est souvent le discours, les économies réalisables sont tellement faibles face aux sommes importantes que l’on passe pour des « chipoteurs » quand on cherche à dépenser efficacement et intelligemment. Quand de petites économies dans la santé sont ridicules, les dirigeants se demandent comment et où trouver les 626 Millions d’Euros manquants pour l’armée française et notamment pour l’OPEX. En voilà déjà 196.2 Millions récupérés de la fraude, presque le tiers. Face aux 178 Milliards d’Euros, le prix de l’énorme budget des remboursements des soins, les Millions d’argent public récupérés ne sont pas dérisoires, nous ne sommes plus prêts à tolérer ces « petites fraudes ».
Les malades, fraudeurs aussi
Les citoyens malades ne sont pas en reste, avec 20% des fraudes sur le total annoncé, ce chiffre me semble bien raisonnable et sous-estimé comparé aux 80% rattachés aux professionnels. S’ils fraudent c’est souvent avec la complicité des professionnels; je pense aux ordonnances de complaisance. Il y a bien des façons de frauder.
Une petite histoire, je n’y résiste pas. Voilà ce que peut-être un médecin en collaboration avec son patient.
Un vieux médecin, un vieux de la vieille comme on dit, il a de l’expérience, il a 80 ans et répond à une très ancienne patiente sur l’utilité du vaccin contre la grippe car elle hésite, c’est l’amour vache entre eux. « Ne le fais pas lui dit-il » la voilà rassurée par la parole du Médecin. « En revanche toi tu as la prise en charge du vaccin, ma secrétaire non, ramène le moi, je le lui donnerai ». Comme c’est gentil n’est-ce pas ? Il n’y a pas de petites économies (6.18 Euros) même pour un médecin soucieux de son personnel. D’une pierre deux coups, il espère peut-être ainsi éviter un arrêt de travail autant pour lui que pour la Sécu. Sur le fond il a raison mais sur la forme c’est quand même lamentable. « Vous voyez comment il est quand même mais il est gentil, je vais le faire, je viendrai chercher le vaccin pour lui avec ma feuille de la Sécu » me dit cette cliente.
Dans mon parcours j’en ai croisé des clients, tenez au hasard les CMU sont adorables. Oui je parle des CMU pour dire d’une personne qui à la CMU, désolé de vous choquer peut-être. C’est comme cela que les professionnels de santé parlent entre eux, c’est simple, rapide et surtout le client est ainsi mis dans une case sociale. Pour être clair, CMU = petit revenu et CSP- à l’inverse MGEN = éducation nationale CSP+. Jusque là vous êtes d’accord et pourtant je vais vous montrer comment le stéréotype CMU est parfois faux.
Quand une CMU ouvre un sac Vuitton ou encore porte un foulard Hermes ou encore arrive d’une journée de shopping passant entre Habitat et Lancel, soldes obligent, ou encore une autre qui me dit vouloir payer avec Américan express ou mieux encore vouloir acheter le café d’en bas qui se trouve en vente. Le stéréotype CMU petit revenu, CSP- ne marche plus.
Est-ce possible ? En mai dernier, la CNAM annonçait vouloir croiser les comptes bancaires des assurés, chiche ! Pour bénéficier de la CMU, il faut déclarer un revenu inférieur à 8 645 Euros par an pour une personne seule soit 720.41 Euros par mois. Par conséquent les articles de marques sont des contrefaçons, la marque renforce la confiance en soi perdue, le shopping chez Habitat, je vois souvent le futile passer avant l’utile mais quand on gagne 720.41 Euros par mois face aux nécessités vitales quotidiennes est-ce plausible ? Cela devait être un service demandé par une amie. Et enfin l’achat du café, c’était pour exister, faire comme tout le monde selon les mots de la cliente c’est-à-dire « placer son argent ». L’agent immobilier étant bien là m’a vite mis en face de la réalité : avoir la CMU n’interdit pas d’envisager l’achat d’un commerce. C’est incroyable.
Des histoires comme celle-ci, j’en ai d’autres. Tenez, ce client cumulant la CMU, l’ALD, un logement social et bien d’autres aides inimaginables. Des aides que vous ne connaissez certainement pas. Mais il a du temps, à 64 ans il ne travaille plus depuis longtemps et conserver ces aides l’occupe, il faut le dire. Oh surprise, entre les bureaux des aides sociales et la gestion de ses comptes bancaires, voilà une autre occupation insoupçonnée. Avoir la CMU ce n’est pas « rouler sur l’or » n’est-ce-pas alors imaginez quand je découvre une CMU soit disant dans la misère possédant plusieurs dizaines de milliers d’Euros, oui je me pose des questions sur les prélèvements appliqués à mon travail sensé aider mon pays et des gens comme lui.
Il y a comme une désynchronisation citoyenne de l’assistanat entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas avec pour seul lien républicain la prestation sociale au sens large dont le coût devient de moins en moins accepté. Le projet commun de l’entre-aide est entrain de muter sous un environnement économique stressant (pression fiscale, perte d’emploi, etc…), les fraudes y sont aussi pour quelque chose.
Des clients déroutants
C’est fou non ? Alors suis-je devenu fou ou bien je ne suis pas fou mais je ne comprends rien à ce qui m’entoure ou bien encore je ne suis pas fou, je comprends ce qui m’entoure mais le doute persiste encore et encore, après tout, personne n’interdit de vivre au-dessus de ses moyens. C’est déroutant pour moi. Le sentiment de bonne conscience du droit à la santé pour tous, le sentiment de générosité pour ceux touchés par la maladie, deviennent d’un coup d’un seul, le sentiment d’être le vassal du pauvre devenu roi.
Et si les questions sociales n’étaient pas la première préoccupation des gens avant la question du chômage. Les partis politiques majors considèrent avant tout, la question du chômage, certes extrêmement préoccupante, mais est-ce vraiment l’ordre de priorité pour les gens quant on voit l’importance que prend le mouvement bleu marine dont le programme économique est une coquille vide.
Si je rapporte ces injustices à l’ambiance politique du moment, je crois pouvoir dire que les citoyens n’acceptent plus ces fraudes aussi petites soient-elles. Ce qui devait améliorer l’égalité des citoyens face à la maladie rend notre pays aujourd’hui inégalitaire. Payer les yeux fermer nous donne peut-être bonne conscience mais à quel prix.
Conclusion
Derrière les belles images, la vocation du médecin, la volonté d’aider son prochain, très vite, la réalité du terrain s’impose à nous. Le cabinet médical est bel et bien une entreprise avec des patients déroutants par moment. La minorité de médecins n’est pas la seule à frauder avec l’argent public. La triche facile sur le dos de la santé existe, des erreurs de facturation pour les uns, des fins de mois difficiles pour les autres alors oui aux contrôles renforcés mais les moyens sont-ils bien réels ? La volonté politique sera-t-elle plus forte que le lobby médical pour continuer efficacement la lutte ?
Annexes :
Les Echos : santé, nouveau record de fraudes détectées