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05 Fév2018

VOUS N’IMAGINEZ PAS LE MONDE DU TRAVAIL DE LA PHARMACIE

 

Après trois ans dans une officine, je viens de vivre un licenciement en juillet dernier. Il était économique et sans surprise, je l’ai vu venir pour la simple raison que le monde de la pharmacie est un monde comme les autres avec ses honnêtes gens et ses gens malhonnêtes, business oblige. Alors je me suis penché un peu plus activement sur les offres d’emploi.

 

LES OFFRES D’EMPLOI EN PHARMACIE

 

1ère annonce

 

Mayotte et pourquoi pas profiter d’une expérience hors de la métropole ? Je m’évadais déjà un peu : « pharmacie recherche Pharmacien(ne) diplômé(e) CDD 8 mois 3500€ net logé(e) le 20 juillet 2017 » (Le moniteur des pharmacies).

Pas mal mais l’annonce manquait de précisions sur les conditions de travail, sur le logiciel informatique de travail utilisé aussi, comme si le salaire et le logement suffisaient pour appâter les candidats.

Il y avait un contact par mail et je décidais donc de demander si le poste est toujours d’actualité. J’avais de la chance le poste était disponible et le titulaire enchainait pour réclamer par retour de mail mon CV.

Un peu rapide peut-être pour un recrutement dans un endroit éloigné, je préférais légitimement connaitre ces précisions importantes à mes yeux et avoir aussi une ou deux photos numériques des lieux. Cela ne me paraissait pas totalement déplacé.

Ma demande n’était peut-être pas déplacée pour moi mais pour lui visiblement, il n’y voyait pas d’intérêt particulier puisqu’il m’assurait que les lieux étaient neufs, corrects et qu’il était désolé pour les photos, il n’en avait pas. Ce pharmacien titulaire ne disposait donc pas d’appareil numérique. Un pharmacien hors du monde consumériste ! Je pourrais résumer l’attitude de ce pharmacien en quelques mots « Vous voulez du travail ? Et bien en voilà du travail et pour le reste, c’est superfétatoire ! »

Alors regardons la rémunération. Ah oui j’oubliais, entre temps j’apprenais que le logement était partagé entre 3 autres assistants. Ce n’était pas vraiment ce à quoi je m’attendais. Avec cette précision dans l’annonce je n’aurais certainement pas postulé, j’aurais gagné du temps.

A ce stade je savais donc que je gagnerais mensuellement 3 500€ net et que le logement était inclus, mais il me manquait encore des éléments.

Par exemple, sur le rythme de travail, qu’est-ce qui en relève ? J’apprenais qu’il y avait un jour et demi de repos par semaine et donc par déduction, cinq jours et demi de travail, loin des 35h de la métropole et cela pour un tarif horaire identique à la métropole. Il y a pourtant une différence de taille, la vie sur l’île est largement plus chère qu’en métropole.

L’offre était bien moins paradisiaque qu’elle n’y paraissait, elle était même totalement inintéressante voire esclavagiste : un nombre d’heures supérieur à 40h par semaine sans majoration et certes un logement mais partagé entre quatre personnes. Alors le lagon et la plongée sous marine, je n’étais pas sûr de pouvoir en profiter le dimanche, seul jour de repos car quid de l’organisation des repas, des courses, du ménage etc, le dimanche peut-être …

La métropole se trouvait cette année 2017 en pleine mutation du marché du travail, il est intéressant de voir un petit patron dans un Département d’Outre Mer adopter une position, pour le moins que l’on puisse dire, très légère. Avec un rythme de travail qui parle de lui même et bien évidemment concernant les billets d’avion il va de soi qu’ils restent à ma charge quant aux congés payés, ils n’ont même pas été abordés. La législation dans les DOM aurait-elle depuis longtemps fait sa révolution du travail ?

Enfin et pour clôturer le tout, je ne résiste pas à vous donner ces quelques mots, de ce titulaire au soleil, au confortable chiffre d’affaires puisque trois pharmaciens adjoints composent son équipe : « Nous sommes très attachés à la courtoisie envers la patientèle et au respect de la réglementation en général ».

Ces six derniers mots me plaisent particulièrement. Fallait-il le préciser de cette manière ? La réglementation n’est pas toujours respectée enfin en général oui mais parfois non, c’est ce que je comprends. Finalement c’est la même chose avec le candidat ; quand il demande une photo du lieu de vie, sa demande peut être respectée mais parfois non.

Conclusion, j’ai informé ce patron que les informations qu’il m’avait fournies ne me permettaient pas d’aller jusqu’à sa pharmacie.

Mais restons encore sur d’autres annonces toutes aussi simplistes les unes que les autres et toujours pleines d’imprécisions. Elles montrent souvent que le recrutement officinal n’est pas pris au sérieux. Il n’est tellement pas pris au sérieux qu’il arrive parfois même que certains titulaires cherchent un préparateur dans la rubrique pharmacien et ce n’est pas une blague. Ceux-là mêmes qui ont la tête ailleurs vont demander par la suite de la précision, du dynamisme, du talent, du sérieux au travail et le plus souvent bien sûr pour pas cher, cela coule de source et ce mélange pharmacien – préparateur le démontre bien !!


2ième annonce

Je suis tombé sur une autre annonce et plus spécialement sur le marché du travail officinal parisien le 20 septembre 2017 « Paris, CDI, 3 à 5 ans d’expérience, Nous recherchons un(e) pharmacien(e) diplômé(e), dynamique, horaires continues, disponible le samedi » (Le moniteur des pharmacies).

 

Décryptage : je passe sur la faute d’orthographe, un pharmacien est un scientifique beaucoup moins, voire pas du tout un littéraire. Le samedi était travaillé, j’étais d’accord ; il s’agissait d’un CDI, j’étais d’accord aussi et il fallait avoir de l’expérience, jusque là je cernais la proposition. Mais il fallait être dynamique, ah bon ? Parce que certaines pharmacies cherchent des mollassons, serais-je bête, il faut-il encore aujourd’hui bien préciser cette notion ?! Ensuite et concernant les horaires, ils étaient continus mais sont-ils de jour et/ou de nuit ? De quelle heure à quelle heure ? Je ne savais pas. J’exagère un peu mais franchement est-ce que cette annonce est intelligente ? Le seul fait de dire qu’il y a un poste semble, comme dans la précédente annonce à Mayotte, suffire pour un(e) titulaire. Regardez encore, un détail important, l’arrondissement est accessoire et malheureusement cette imprécision est courante comme s’il y avait une peur, une gêne, une honte à se dévoiler, à dire clairement de quelle pharmacie il s’agit, de quel(le) titulaire il s’agit. Peu le font. Le(a) titulaire annonce ce qu’il lui faut avec des mots creux et c’est déjà bien sinon passez votre chemin. Drôle de mentalité quand on cherche un collaborateur, un pharmacien(ne) adjoint(e) avec qui travailler, ensemble mais cela est typique de l’esprit officinal parisien. On ne cherche pas un pharmacien collaborateur, on cherche un employé.


3ième annonce

Dans le même esprit, j’avais cette nouvelle ligne de recrutement. Oui je parle bien d’une ligne car une seule ligne suffit quand dans d’autre secteur, le recruteur réfléchi aux mots qu’il va mettre, au nombre de lignes qu’il va insérer, aux objectifs sur lesquels il va insister. Dans le monde officinal, l’imprécision n’est pas un problème  : « Pharmacie Place de …. Paris 9e recherche Pharmacien(ne). Contact par mail : pharmacie….@hotmail.com CV+LM, le 27 septembre 2017 » (Le moniteur des pharmacies). Plus simple ce n’est pas possible.

Vous avez compris, le titulaire va droit au but, il faut aller vite. Avis aux pharmaciens, CV pour curriculum vitae, d’accord, LM pour lettre de motivation, d’accord, c’est plus smart les acronymes en pharma. Donc une, deux, comme dans l’armée, tu te dévoiles, tu me dis qui tu es et tu attends ma décision. Moi chefaillon, titulaire de la pharmacie, toi employé. D’accord ? pas d’accord ? NEXT … Véritablement, vous avez envie de contacter cet employeur avec une ligne pareille ? Moi non.


4ième annonce

Encore une autre :  » 75018, CDI, temps complet, vous savez faire preuve de rigueur et d’efficacité, sens du relationnel et de l’écoute, motivé(e)s, investi(e)s et dynamiques. Maîtriser LGPI, téléphone et mail » (LGPI est un logiciel spécifique à la profession).

Là encore, pas d’adresse, pas d’élément sur la pharmacie, vous avez envie de contacter cette personne ? Moi non. Une chose est sûre, elle a compris que le sens du relationnel n’était son fort, du moins à l’écrit parce que son annonce ne comporte aucune accroche, s’entourer de personne ayant davantage qu’elle le sens de l’empathie est une priorité. Enfin, peut-être … Rien n’est sûr.


5ième annonce

La dernière pour le plaisir : « Pharmacie …. Paris 10, métro … recherche un(e) Pharmacien(ne) CDI disponible dès maintenant. 35 h, 1 samedi/2 LGPI. Contactez le titulaire au … » (Le moniteur des pharmacies)

Je demandais par mail et poliment  » Bonjour, je viens de voir votre annonce OCP du 25 septembre. Est-ce que le poste est toujours disponible s’il vous plaît ? Bon après-midi. JB » et quelques heures plus tard voici la réponse mail « Bonjour, pouvez-vous nous envoyer votre CV »

Vous avez remarqué comme moi, il y a bien un « bonjour » mais pas un « merci », pas une formule agréable, gentille à la fin. Le titulaire ne s’embête pas avec la politesse, c’est le moins que l’on puisse dire. Je demandais si le poste était toujours d’actualité, je recevais CV comme brute réponse. Alors devais-je comprendre que le poste était vacant ? C’était terrible mais je ne fonctionne pas comme cela, je ne pouvais plus poursuivre avec une telle réponse, une telle façon d’écrire. Je ne pouvais déjà plus envisager une collaboration avec un tel personnage, un pharmacien, un titulaire sans éducation. Un tel comportement, cette façon déjà d’affirmer son autorité, le pouvoir était clairement entre ses mains, pas dans les miennes, il fallait que je donne déjà mon CV alors que la réponse aurait dû être oui le poste est disponible ou non le poste n’est plus disponible.

L’expression est encore un signe du nivellement par le bas de notre profession et du paradoxe même du recruteur qui cherche l’excellence, enfin c’est ce que l’on dit. La réalité est bien différente, le recrutement est aujourd’hui la recherche unique du moins cher et le reste n’est que politiquement correct.

Au même moment dans les actualités j’apprenais que la ministre des armées, Madame Florence Parly touchait de la part de la SNCF déjà endettée plus de 52 000€ en plus de son poste ministériel. Quand certains ont des salaires hors norme, moi je recherchais un salaire beaucoup moindre bien sûr mais avant tout je cherchais une entreprise respectueuse des employés, me donnant un équilibre de vie et c’est peut-être là que je me trompais.

Dans le petit monde des affaires officinales, il y a comme un incroyable mimétisme à faire comme dans les grandes entreprises. Vous voulez être un M. Tapis bis ou encore un de ces DRH totalement hors sol, pris dans la tourmente des objectifs et des histoires internes. Vous voulez vous affirmer, hors vous êtes en guerre, en guerre économique avec votre personnel puisque vous ne pouvez pas l’être avec vos gentils clients. Non, petits titulaires vous ne serez jamais comme eux, vous êtes des gens ordinaires. Ah, il est vrai, comme eux, comme dans les grandes entreprises, vous avez des charges d’entreprise et ça, ça vous fait tourner la tête.


6ième annonce

Enfin la toute dernière annonce parce qu’elle était toute rapide. Un pharmacien titulaire dans le quartier chic de Saint Philippe-du-Roule « cherche un pharmacien(ne), CDI, 1 à 3 ans d’expérience, bilingue dynamique. Contact : 06 … » (Le moniteur des pharmacies).

Plus rapide, plus simple c’est certainement possible mais voyons, quand on ne sait pas faire, on ne fait pas, mes très cher(e) confrères et consœurs. Sous traitez votre recherche ! Un point est quand même clair dans le choix de ces deux mots « bilingue » et « dynamique », il faut le reconnaître. Un(e) muet(te) mollasson(e) sans expérience ou avec trop d’expérience ne fera pas l’affaire !! Pardon pour les muets, les mollassons et les muets mollassons.

Je vais m’arrêter là car malheureusement l’intelligence officinale dans le recrutement vole assez bas, la démonstration est faite. Même si tout le monde n’est pas aussi sous développé, ce processus de recrutement vous dit un peu du futur niveau collaboratif entre les individus dans cette officine et la considération apportée à l’employé. L’écriture de la proposition de travail conditionne la façon dont nous imaginons le poste. Ceux qui écrivent ce type d’annonces ne se rendent même pas compte qu’ils abaissent la profession et qu’ils éliminent naturellement des gens comme moi. Ils n’en sont pas pour certains à ce degré de compréhension.

Heureusement que les compétences du pharmacien sont là. Dans notre domaine, a priori nous avons les compétences, nous sommes diplômés, nous sommes docteur en pharmacie. Bien sûr il y a des professionnels moins bons que d’autres mais c’est justement lors de l’entretien, de la rencontre qu’il sera possible de détecter quelque chose.

La réalité me montre hélas que mon doctorat ne vaut pas grand chose, il vaut tellement peu d’ailleurs que se donner du mal, prendre le temps de la rédaction d’une annonce attractive et intelligente n’en vaut pas la peine aux yeux des titulaires recruteurs.

 


Une bonne annonce

Alors je critique mais comment selon moi devrait être une annonce ?

Il n’est pas nécessaire de qualifier le poste de dynamique, le poste est celui du pharmacien adjoint et sauf s’il y a des spécificités à préciser, tout le monde comprend. Il est plutôt intelligent je crois que décrire l’équipe, décrire la clientèle, parler du chiffre d’affaires, mentionner le logiciel installé aussi, ce n’est pas secret ? Ce sont même des choses évidentes, simples dont le seul but est d’attirer les postulants mais parfois je me demande dans quel monde vit un titulaire.

Et maintenant que vous avez trouvé une bonne annonce, reste à rencontrer le bon comportement du recruteur car malheureusement ce n’est pas gagner. Comme partout, comme toujours, il faut savoir attendre et souvent attendre encore, le taux de réponses des pharmaciens titulaires en recherche d’assistants est conforme à celui des autres entreprises, il est faible. Il est rare d’avoir une réponse quand nous même, candidats, nous essayons de nous impliquer, d’être correct et attentif à l’orthographe. En ce qui me concerne j’ai sélectionné les offres d’emploi sur certains critères notamment l’emplacement de l’officine et dans un premier temps sur trois annonces sélectionnées, aucun titulaire n’avais pris le temps de répondre. Cela faisait deux semaines.

Souvent nous entendons les clients dire « il est gentil mon pharmacien ». Je suis sûr que vous l’avez déjà entendu. Et bien je confirme, les pharmaciens sont gentils mais pas avec tout le monde et pas souvent entre eux malgré la confrérie.

Avant de terminer, je voulais vous rappeler un détail important. Le monde officinal décrit là est celui du monde officinal parisien. Il ne faut pas l’oublier car ce monde reste un univers à part et singulier. La capitale et son organisation concurrentielle rend les personnes différentes voire peut-être inhumaines sans même qu’elles ne s’en rendent compte. Le stress, la pression, le rythme, la finance, les clients etc sont des éléments qui tendent à transformer les gens.

A ce moment là, je ne travaillais toujours pas, j’étais encore dans mon préavis de licenciement économique et plus je réfléchissais à mon retour dans le monde merveilleux de l’officine, plus je ne voulais pas y retourner. Mais qu’est-ce-que j’allais faire alors ?

 

 

MON PREMIER ENTRETIEN

 

J’ai vu un poste proposé par une pharmacienne, titulaire dans le centre de Paris. Quel bonheur, je recevais une réponse un peu plus structurée que les quelques mots d’un précédent titulaire d’une précédente annonce : « Bonsoir, oui je suis toujours à la recherche. Dites moi un peu plus sur vous . Pouvez-vous SVP me faire parvenir votre CV ? Êtes-vous en poste actuellement ? Si c’est le cas je peux patienter. Bonne soirée ».

J’ai répondu par un message en y associant mon CV. Puis une semaine après je passais par hasard dans l’officine pour voir sa configuration, éventuellement rencontrer la titulaire et se fixer un rendez-vous si elle le souhaitait. Il s’agissait d’une petite officine, avec une seule préparatrice, plus tard j’apprendrais que le mari de la pharmacienne se présentait aussi comme un préparateur, c’est courant dans le milieu. Parfois même le diplôme n’existe pas mais ces gens là de la famille délivrent quand même pour faire gagner un peu plus à l’entreprise et comme le hasard fait souvent bien les choses, en cas de rares inspections, ces gens là ne délivrent plus sous les yeux d’un inspecteur. Mais revenons à notre chère titulaire, elle était en entretien, je lui ai laissé alors un petit mot concernant mon passage. Deux heures après elle m’appelle sur mon téléphone portable pour fixer un rendez-vous. Et c’est finalement de façon très informelle et hasardeuse que l’entretien se fera le même jour quelques minutes après.

Je suis retourné à l’heure convenue à la pharmacie, en tenue correcte, ce qui me semble être la moindre des choses. La titulaire, elle, la cinquantaine est avertie de mon arrivée et mon monte du sous-sol m’accueillir. Elle était courtoise, en chemisier déstructuré, en jupe courte, claquettes aux pieds, je dois dire qu’elle n’était pas élégante et visiblement nous n’avions pas les mêmes critères vestimentaires d’abord pour accueillir la clientèle et accessoirement pour accueillir pour un futur collaborateur en entretien. Mais l’habit ne fait pas le moine, n’est-ce-pas ?!

Alors je la suivais et malheureusement, je m’apercevais très vite que mon CV n’avait même pas été parcouru auparavant. Nous nous sommes installés sur deux chaises, à côté du robot, prêt d’une table où déjeune le personnel en sous-sol dans un endroit exigu mais c’est courant dans les pharmacies parisiennes, la place coûte chère. Elle n’avait pas vu mon âge, elle me le demande, elle me pose des questions en relations avec les dates mentionnées comme pour voir si mon CV était inventé ou pas. Pour résumer la situation : pas grand chose d’intelligent à mon sens et rien sur mes compétences. Du coup, je lui ai parlé de ma formation en éducation thérapeutique. Elle ne savait pas vraiment ce que c’était. Elle faisait semblant de s’y intéresser, elle ne connaissait pas « ah oui, vous pouvez me rappeler ce que c’est ? ». Et elle a terminé après 20 minutes lorsque son mari préparateur est arrivé avec la vidéo de surveillance montrant un homme entrain de voler dans la caisse cette même journée.

Au delà de tous ces aspects, le plus frappant était l’amateurisme. En revanche quand il s’agissait de la question de la rémunération, l’amateurisme frappait moins, une autre dimension s’ouvrait alors et c’est moi qui faisais l’amateur.

Après 10 minutes d’échanges et contre toutes attentes, elle me disait qu’elle était très à cheval sur la loi et qu’elle déclarait les heures supplémentaires. Ah bon !? Oui c’est dingue, oui irréel, incroyable, comme vous voulez, je n’ai pas assez de superlatifs. Je me souviens avoir été catapulté en trois secondes je ne sais où, dans une autre dimension comme je le disais, je planais à l’écoute de ses mots. Trois secondes c’est long, UNE PERSONNE HONNÊTE EN FACE DE MOI. Elle me proposait directement un coefficient intéressant de rémunération. Du jamais vu pour moi !

Dans ma précédente officine, obtenir ses heures supplémentaires déclarées étaient mission impossible, avoir une fiche de paie en règle relevait du parcours du combattant et là, j’avais en face de moi, une Sainte. J’étais tellement content que je devais contenir ma joie. J’avais trouvé la pharmacie, the pharmacy. Il était encore possible de travailler honnêtement. Immédiatement je la félicitais et la remerciais en lui faisant remarquer quand même qu’il était surréaliste de devoir le préciser alors que la loi existait. « Ce coefficient donne quel salaire en fait ? » Cette question la déstabilisait car surprise, elle est restée sans voix et me dit « ben … entre 2 800€ – 2 900€ ». Elle n’en croyait pas ses oreilles je crois. C’était plutôt 2 800€ mais cette dame n’avait pas vu que je comprenais que quelque chose n’allait pas. Il y avait une incohérence entre ce qu’elle disait et la réalité.

Elle m’expliquait l’organisation des horaires, une semaine à 30 heures et une autre à 40 heures sans heures supplémentaires alors qu’elle se revendiquait être à cheval sur la loi. Au final et mensuellement il y a bien 35 heures par semaine et si cette structure pouvait me permettre d’être professionnellement épanouie je voulais bien mettre de côté la majoration de la semaine à 40 heures.

Je ressortais plutôt positif mais neutre sur la titulaire qui me lâche « de toutes façons vous trouverez avec tout le travail qu’il y a ».

Sur le moment je n’avais pas réalisé mais elle avait déjà pris sa décision et c’est peut-être une manière de me considérer, de me reconnaître en me disant cela. Je lui demandais comment elle envisageait de me recontacter pour me dire sa décision : « Maintenant que l’on se connait, je vous appelle ».


MON DEBRIEFING LE LENDEMAIN

 

Après coup j’ai fait mon petit débriefing. Je me suis demandé pourquoi elle avait pris le temps de mettre l’accent sur les heures supplémentaires déclarées ? Pourquoi elle avait éprouvé le besoin de la dire ? Elle me disait que la part patronale du salaire était déclarée comme la part salariale, les charges en d’autre terme qui pèsent sur les salaires. C’était certainement important pour elle. Elle se disait vertueuse cette dame, se décrivant même vieille France et pourtant elle organisait une semaine à 30 heures et une autre à 40 sans aucune majoration. Quelque chose ne sonne pas juste. Avais-je trop imaginé cette officine comme le paradis officinal ? Je le crains.

J’avais remarqué que la pharmacie se trouvait dans un secteur touristique où la concurrence officinale était forte. Cette dernière était d’autant plus forte que non loin de là, une officine cassait les prix en parapharmacie. Elle devait donc se battre pour aligner le plus possible ses prix versus la concurrence.

C’est à ce moment là que je me suis dit qu’elle m’avait manipulé. Le monde officinal parisien est comme partout quand un lien commercial intervient, il est faux, fourbe et j’avais des doutes qu’un tel comportement vertueux puisse tenir sous cette pression commerciale et économique localement très marquée.

En réalité, elle avait stratégiquement voulu me tester et voir si j’étais flexible, un mot très tendance en ce moment et qui a encore de beaux jours devant lui. Je n’avais certainement pas assez montré de flexibilité et accepter des pratiques border line. C’était grave, elle avait prêché le faux pour avoir le vrai. Le camp de la loi, celui que j’avais choisi, comme trop souvent, est devenu le camp des faibles et finalement cela n’a certainement pas rassuré cette titulaire.

Une semaine après cet entretien qui n’en n’était pas un, je la rappelais et à l’annonce de mon nom, elle ne savait même pas qui j’étais, ce qui en disait déjà long sur le résultat. Elle était occupée et trois heures après elle m’a téléphoné pour m’annoncer qu’elle avait signé la veille avec quelqu’un. Comme par hasard. Inutile de vous dire qu’il n’y a eu aucun argument décisionnel mais à sa décharge je n’ai rien demandé, peut-être parce que moi aussi collaborer avec cette personne n’était pas possible … Voilà comment cela se passe parfois pour un recrutement d’une personne qui a fait six d’études pour apprendre à délivrer des produits de santé.

Pour la petite histoire, l’annonce a été diffusée le 5 octobre 2017 et plus d’un mois après, l’annonce était toujours en ligne. Soit il s’agissait d’un oubli et cela montre le sérieux de la personne mais chacun sait que les titulaires sont des personnes aux agendas VIP, ils n’ont jamais le temps, soit elle avait pris quelqu’un en CDD, soit le collaborateur était déjà parti, soit elle m’avait menti.


MON DEUXIÈME ENTRETIEN

 

Une autre annonce m’avait accroché : « Pharmacie proche …., Paris ..ième, cherche Pharmacien thésé(e) ou thèse en cours, CDI, 30/35h/sem, libre 1 samedi/2 et 1 lundi/2 » (Le moniteur des pharmacies

Je postule et en retour la titulaire me demande ce que j’attends du poste. Elle me convoque, j’arrive et directement sur le comptoir me montre l’emploi du temps. Pour les semaines il faut comprendre 35h la première semaine et 29h la deuxième avec un samedi sur deux et bien un lundi sur deux. Exit les attentes du poste, exit mon parcours. Comme d’habitude un entretien qui n’en est pas un. Pourtant ce n’est pas très compliqué mais les annonces ne peuvent jamais être explicites et claires. Le pharmacien titulaire est un être complexe.

Nous parlons de leur travail, de la clientèle, elle me dit que je ne ferai pas les fermetures. Ah la confiance … C’est mieux pour moi, je partirai plus tôt et je n’aurai pas à faire la caisse ni à contrôler d’éventuelles erreurs. J’apprends qu’ils sont maîtres de stage, qu’ils aiment bien les étudiants 6ième année (moins cher évidemment, je suis trop fort !) mais difficile à trouver, toutes ces informations sont importantes pour comprendre la psychologie de ces individus. Tout est lié.
Un autre entretien avec une autre candidate était prévu deux jours après le miens. La réponse tomberait ensuite. Pour mon débriefing, j’étais partagé à vrai dire, je n’arrivais pas à sentir les choses ni d’un côté, ni de l’autre.

Le jour de la réponse … Et bien … pas de réponse. Elle était prévue par mail selon les dires de la titulaire. Cela devait arriver un samedi mais la titulaire certainement surmenée et définitivement impolie ne l’a pas fait. J’ai donc pris la décision de la contacter. Appel programmé le lundi qui suivait.

Et d’après vous, qu’est-t-il arrivé ? Un oui, un non, un oui mais, un je ne sais pas ? De mon côté, je partais pour un « non » mais je le voulais argumenté pour comprendre et m’améliorer. Étais je trop cher ? Appartenir à la réserve sanitaire de notre pays était-il un inconvénient ? Était-ce ma personne ? Je devais savoir, je ne me disais pas « je n’y arriverais pas » je me disais que peut-être je devrais changer de cible. Le doute s’installait sur ma capacité à travailler avec des titulaires d’officine que je trouvais fades, inintéressants et dont le seul objectif était de vendre sans jamais montrer le moindre intérêt humain sur leur confrère. Je ne peux pas leurs jeter la pierre, je sais que les charges diverses sont bien présentes et qu’ils ont engagé eux-mêmes de l’argent. La gestion de l’entreprise reste le point primordial à assurer mais à force de dire cela nous devenons tous des anonymes fous avec l’idée de mettre l’humain au service de l’économie et non l’inverse.

Cette incapacité à renouveler le métier de façon intelligente, à se remettre en question, à faire un métier digne des six ans d’études, très vite, dès les premiers échanges, je le ressentais,. Reprendre les codes de la grande distribution, servi sur un plateau d’argent par les commerciaux de l’industrie pharmaceutique, ce n’est pas pour moi une façon suffisante de se renouveler. Au contraire, c’est de la fainéantise, cela accrédite l’idée que nous sommes bien des vendeurs et non des professionnels de la santé. Je sélectionne donc uniquement de petites officines de quartier où j’imagine créer du lien et pouvoir exercer plus intelligemment mon métier que dans les grosses structures. Je veux travailler avec plaisir. En quelques mots, je cherche à faire de la qualité à la quantité, rester humain. Et malgré tout, la déception peut être au rendez-vous.

Alors voilà, j’appelais pour obtenir la fameuse réponse. Le mari préparateur m’a répondu et me dit « nous avons encore un entretien aujourd’hui on vous rappelle en fin de semaine ». La fin de semaine arrive, le samedi passe et aucune nouvelle. Il était vraisemblablement très difficile pour ce couple de choisir un collaborateur .

Je décidais donc de rappeler le lundi matin soit 15 jours après avoir été mener en bateau. La femme m’a répondu cette fois-ci et sans gêne aucune, sans un mot d’excuse, elle me dit avoir pris une jeune femme récemment diplômée « nous n’avons pas besoin d’autant d’expérience puisque nous sommes tout le temps là ». Oui vous lisez bien pas besoin de gens comme moi. Le couple m’a fait patienter 15 jours, sans un mot d’excuse, pour entendre que mon expérience est trop importante.

Mais alors pourquoi cette dame après avoir pris connaissance de mon CV où se trouve mon parcours, mon expérience, me fait elle venir ? Elle va même avant cela me demander par écrit de réfléchir à ce que j’attends du poste ! Et lors de la rencontre, elle en spencer cuir noir et jeans, lui sur le côté en veste de costume, sans cravate, échangeaient maladroitement sur des banalités, debout, au comptoir : le quartier, la clientèle, l’organisation de travail.

Ce sont a priori des gens intelligents, les pharmaciens, certains oui, certains non ? Des gens pas très fins, certains oui, certains non ? Malheureusement je crois que la démonstration est faite.

Elle était désolée de ne pas me choisir, un sentiment courant quand on ne sait pas quoi dire. Moi, j’étais surtout désolé de voir une consœur aussi impolie envers le confrère que je suis. J’avais bien compris qu’avec son mari, ils ne délégueraient absolument pas, qu’ils contrôleraient ensemble la caisse (ah confiance quand tu nous tiens) et qu’il aurait été difficile de travailler avec ces gens là. Quand le couple constitue une team sans aucune autre personne et a fortiori quand ils disaient être tout le temps présents, bien évidemment il était facile de comprendre que j’étais face à une structure entièrement artisanale mais surtout familiale. Les vacances, cela n’était pas pour eux, me disaient-ils, là encore ils contrôlaient les heures supplémentaires et ils avaient bien raison. Mais savaient-ils alors pourquoi ils recherchaient un adjoint ? Un préparateur, un étudiant aurait été plus approprié ? Y avaient-ils seulement réfléchi avant ?

Le monde du travail officinal est un monde globalement fait d’amateurs en recrutement, certainement le plus souvent par souci d’économie. Peut-être que dans le cas précédent sont-ils très bons en pharmacie, je me souviens qu’ils disaient être les derniers dinosaures à ne vivre que du médicament et faire payer un max la parapharmacie mais quelle image d’incorrection ils m’ont renvoyée sans même s’en rendre compte. Je crois d’ailleurs que cela leur était égal. L’individualisme de la profession est de mise, l’image du professionnel de santé à l’égard d’un autre professionnel de santé en recherche d’emploi de surcroît n’est pas une priorité.

J’avais envie de leurs écrire pour une leçon de politesse. Je n’étais pas en colère de ne pas être choisi. J’avais du dégout vis-à-vis d’une soit disant élite qui se comportait mal à mes yeux et qui sous prétexte économique jouait avec les gens. L’amateurisme je pouvais le pardonner, l’impolitesse non. Ces gens font du mal à la profession. Ils me dégoûtent mais l’idée de le raconter ici me suffit. Je leurs souhaite une bonne retraite d’ici quelques années les misérables !


LE CLOU DU RECRUTEMENT

 

Durant mes recherches, j’ai trouvé une annonce intéressante et intrigante. Elle était diffusée sur plusieurs sites de recherches d’emplois, toucher un maximum de pharmaciens en recherche de poste devait être important pour la société, ce que je pouvais comprendre.et ce depuis juillet 2017, il s’agissait d’un poste de pharmacien responsable de bonne pratique de délivrance d’oxygène. Le poste me plaisait mais pour ce recrutement, il me semblait que l’entreprise devait rencontrer quelques difficultés.

Cette entreprise spécialisée dans les prestations médicales et plus particulièrement dans la délivrance d’oxygène était basée en banlieue parisienne. Cette entreprise appartenait à un grand groupe du CAC 40. L’annonce spécifiait le lieu préférable d’habitation, le nord-ouest de Paris. J’habite le Nord de Paris, je me renseignais alors sur le nom de la responsable RH et décidais d’envoyer mon CV accompagné d’une lettre de motivation directement sur le site de l’entreprise et non pas via un prestataire.

Deux semaines après et n’ayant toujours pas de nouvelle, je tentais de contacter cette personne. Il m’aura fallu six appels avant d’avoir un contact pour apprendre de surcroit qu’elle n’avait pas eu ma candidature et qu’elle ne s’occupait pas non plus des recrutements des pharmaciens. Elle me donnait alors les coordonnées de la responsable basée dans une grande ville de l’Est de la France et me proposait d’attendre la semaine qui suivait pour la contacter. Dans un même temps j’apprenais que ce poste faisait suite à une inspection de l’Agence Régionale de Santé.

La troisième semaine j’avais eu la personne en question qui après avoir retrouvé mon nom sur son écran informatique me proposait un rendez-vous téléphonique sept jours après.

Le jour J arrivait et la professionnelle du recrutement me demandait de me présenter, de parler de moi en trente minutes. A l’issu de cette cession, elle concluait en me disant « ce qu’il va se passer : je vais vous recontacter dans deux semaines pour vous dire s’il y a une suite ou pas mais pas avant car je n’ai de toutes façons pas de temps à consacrer à ce recrutement ».

L’entreprise diffusait l’annonce depuis juillet 2017, l’entreprise cherchait un pharmacien car elle en avait besoin, l’entreprise dépensait de l’argent et alors que les deux semaines étaient largement dépassées, je n’avais bien évidemment aucune nouvelle de cette Grande professionnelle du recrutement, d’une Grande société du CAC 40 qui génère un Grand chiffre d’affaire. Dans ces sociétés tout est Grand, l’inhumanité et surtout l’impolitesse. Je n’ose parler de l’incompétence de cette grande dame mais je le pense fortement. Je n’ai jamais rappelé, elle ne m’a jamais rappelé non plus.


ATTENTION SI VOUS FAITES DES ÉTUDES DE PHARMACIE

 

Sans argent à investir dans une officine, votre avenir se heurtera à un plafond de verre côté salaire et de plus en plus incertain face aux changements du secteur officinal. Au mieux vous terminerez votre carrière à 67 ans avec 3 000-3 500€ net c’est-à-dire autant qu’un personnel naviguant Air France niveau bac ou bac + 2 sans compter les avantages de la compagnie ou encore autant qu’un ancien conducteur RATP aujourd’hui en retraite.

Au début, après vos études, il sera très facile d’avoir un poste, vous serez correctement payé. Ensuite, vous assisterez peut-être la vente de l’officine où vous serez, vous passerez d’officines en officines et puis un jour vous comprendrez que votre expérience sera problématique.

Problématique car elle ne pourra être que très rarement en rapport avec votre salaire. Si vos prétentions salariales restent celles de vos débuts il n’y aura pas de problème. J’ai vu une annonce pour illustrer la situation du marché de l’emploi en officine. Un titulaire cherchait un remplaçant, avec toutes les responsabilités que cela entraine, pour les vendredis après-midi et les samedis (très courant pour les titulaires de confession juive).

« Le poste est basé dans une pharmacie située au cœur de Paris. Vous remplacez le titulaire en son absence. De ce fait, vous : Intégrez une équipe de 3 personnes (préparateurs en pharmacie …) Gérez la délivrance des médicaments sur prescriptions Assurez la vente des produits en parapharmacie … Vous travaillerez tous les vendredis après-midi et samedis toute la journée. Vous serez rémunéré selon le coefficient de la grille salariale (400) » (Novembre 2017, agence intérim FedSante).

Le coefficient de rémunération était fixé à 400 soit 17.42€ brut l’heure de travail. C’est tout simplement une honte et totalement indécent pour un remplacement mais ce tarif montre l’état économique du secteur officinal. Tenir une pharmacie serait-il finalement à la portée de n’importe qui ? Dix sept euros pour assumer le poids de la délivrance de produits dangereux, les médicaments, faut-il oser et les professionnels du secteur osent puisqu’ils trouveront preneurs même à ce tarif à peine plus élevé que le taux horaire d’une femme de de ménage !

Si comme moi vous êtes attaché à une pharmacie à échelle humaine, si comme moi vous avez fait le choix de privilégier le contact humain, attention à la désillusion. Votre rémunération ne sera jamais à la hauteur du temps passé à étudier, votre rémunération ne sera jamais à la hauteur de votre formation, de votre compétence. Nous sommes bien loin de la parodie du pharmacien M6 dans scène de ménage, un pharmacien débordant d’argent et sans soucis. Le pharmacien est en fait un triste cadre, nostalgique du passé économique et qui année après année perd de son prestige d’en temps. Les vestiges de notre profession sont les bases croulantes d’un avenir incertain. Les prix bas, le manque de volonté des pouvoirs publics et les robots menaçants révolutionnent notre métier.

Alors aujourd’hui, face à la pauvreté descriptive et sémantique des offres d’emplois, il est difficile de sélectionner et de trouver les bonnes pharmacies et les bons titulaires, j’entends par là humainement bons. Nombres d’entre eux ou d’entre elles présentant des comportements troublants et dont le point commun est le manque de générosité salariale. Je m’aperçois qu’il y a trois groupes de pharmacies : les grosses pharmacies, les pharmacies intermédiaires et les petites pharmacies.

LES GROSSES PHARMACIES

Sur le modèle de boticinal « l’expérience unique, l’officine contemporaine », d’énormes structures qui vont dans le temps manger les petites structures. Un modèle de grande surface pour les produits de santé et de bien-être. Il y a un budget pour les ressources humaines et donc attendu, un retour sur investissement.

LES PHARMACIES INTERMÉDIAIRES

Il y a un modèle intermédiaire que j’appelle « petit devenu grand », un profil de pharmacien business man qui a compris et pu mettre en place à partir de sa structure le modèle industriel. Là, le recrutement est à mi-chemin entre la part ressentie et la part réfléchie. Une part pouvant l’emporter sur l’autre sans réels critères.

LES PETITES PHARMACIES

Malheureusement ces pharmaciens qui cherchent un adjoint, font leur recrutement en amateur, basé sur un ressenti, un feeling, certainement des a priori, des préjugés, rien n’est intellectualisé et réfléchi. Ils ne savent pas recruter, il n’y a pas de budget non plus attribué au recrutement. Le besoin est là mais la recherche est basée sur des arrangements et de la flexibilité.

CONCLUSION

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La semaine dernière, début décembre 2017 et pour terminer cette partie sur le recrutement, je rencontrais un titulaire, correct, humain je crois. J’avais repéré son annonce, le quartier, les jours travaillés et son numéro de téléphone portable étaient écrits. Je ne disposais pas en revanche de l’organisation horaire journalière, ni même du salaire. Je décidais donc d’envoyer un texto en demandant ces éléments ainsi que le logiciel professionnel utilisé, sans pour le moment demander la proposition de salaire.

La réponse arrivait quelques heures après, sur un ton très poli, en me demandant de l’appeler pour convenir d’un rendez-vous. Cela tranchait tellement des autres titulaires qu’inévitablement cela entrainait chez moi un sentiment agréable de respect. J’ai su aussi qu’il s’agissait d’un titulaire et non d’une titulaire par là même. J’appelais donc le lendemain et nous nous sommes vus l’après-midi même. La rencontre s’est très bien déroulée malgré un salaire pas à la hauteur de mes attentes. Certes l’entretien s’est fait dans des conditions toujours aussi rudimentaires debout au milieu de l’espace client sans aucune confidentialité et praticité mais il y avait quelque chose en plus qui fait que l’on sait si nous pourrons travailler ensemble et se faire confiance. Le titulaire m’a montré sa bonne volonté pour la rémunération et a coupé la poire en deux. Un geste auquel j’ai été sensible car en plus d’un emplacement peu éloigné de mon habitation, à mon tour je pouvais faire un geste pour trouver un terrain d’entente. Nous nous sommes donnés une semaine pour réfléchir et revoir l’ensemble les éléments que nous avions.

Au bout d’une semaine nous avons finalement conclu que travailler ensemble devrait être possible et c’est ainsi que je termine positivement mon article. En deux semaines et je mesure ma chance à 46 ans, d’avoir retrouvé un poste de pharmacien adjoint à 22€864 brut de l’heure, 28h par semaine, 2 150€ net mensuel, dans une petite structure avec une équipe agréable, des clients toujours aussi égoïstes et un titulaire totalement atypique dans ce délire officinal parisien.

Quinze minutes auront donc suffi pour être recruté et ce temps aura permis de sentir ce supplément d’humanité jamais rencontré dans les deux autres entretiens. Il y a parfois de bonnes surprises dans la vie. C’est le bon côté de la situation. C’est vrai qu’à ce tarif pour faire de la manutention, déballer les colis, ranger les produits, faire un peu d’administration, je suis bien payé mais pour les moments au comptoir, lors de la délivrance, mon cœur de métier, je me considère sous payé. Même ma banquière, pudiquement s’est étonnée de ce salaire. Ce diplôme que je critique parce que je le voudrais plus prestigieux m’a pourtant permis de trouver rapidement un poste, n’est-ce-pas le plus important quand d’autres ont moins de chance sur le marché du travail ?

Je pense à tous ces gens, hommes et femmes qui partent à la recherche d’un emploi et qui jours après jours s’enfoncent un peu plus. Face à ces situations, je comprends aussi pourquoi nous sommes un des pays les plus grands consommateurs de psychotropes. Des hommes et des femmes, des jeunes et des séniors restent dans l’inactivité. A charge pour la société et son système social de les prendre en considération. Aucune parole politique ne changera les choses. Ces hommes et ces femmes rentreront naturellement dans l’économie de la santé de façon pérenne, leurs états, qu’ils soient mental et/ou physique, intéresseront plus ou moins les soignants, c’est comme cela. Il est tellement plus facile et rentable de prescrire un Stilnox® ou un Lexomil® qui rend addict plutôt que de passer du temps à comprendre. Mais comprendre quoi vous me direz ? Comprendre pourquoi ces personnes ne travaillerons plus ? Comprendre pourquoi elles en sont arrivées là ? Nous connaissons bien souvent les réponses. Quant aux solutions, il est très confortable d’accepter que ces personnes deviennent une clientèle privilégiée de l’industrie de la santé et de notre système social, système payé par moi, par vous, par nous tous, on ne sait plus trop qui paie quoi d’ailleurs et nous finissons même par croire qu’il est gratuit et fait pour ces personnes là. Bien heureux les gouvernements de maintenir ainsi cette population dans un relatif calme, la tête hors de l’eau, le corps comme pris au piège et toujours de leurs promettent un avenir meilleur.

C’est la triste fin d’un article sur lequel je me suis penché depuis plusieurs mois. Il n’est pas parfait mais je crois que ce que j’y décris, respecte sans exagération ce que j’ai ressenti, c’est ma réalité. Certains d’entre vous le prendrons moins bien que d’autres, d’autres s’y reconnaitrons. Mais dans tous les cas, ma volonté est de susciter des réactions pour améliorer les choses.

Votre pharmacien.

En partenariat avec clubofficine.fr, plateforme d’emploi des métiers de la pharmacie.

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